La plupart des coureurs au départ d’un marathon redoutent de « cogner le mur ». Cette expression fréquemment utilisée par les marathoniens désigne l’instant critique de l’épreuve à partir duquel ils sont contraints de réduire leur vitesse et parfois même d'abandonner avant la ligne d'arrivée.
C'EST QUOI LE "MUR" DANS UN MARATHON ?
Le « mur » du marathon est un phénomène à la fois physique et psychologique qui a tendance à survenir au terme des 30 premiers kilomètres (sur 42,197 kilomètres, distance officielle depuis les Jeux Olympiques de 1924). Le coureur peut soudain éprouver un inconfort physiologique qui se traduit par un brusque coup de pompe et une intense fatigue, la sensation de jambes lourdes, un sentiment d'impuissance et des douleurs musculaires qui le contraignent inexorablement à réduire son allure.
POURQUOI LE MUR DU 30E KM ?
Cogner le mur au marathon désigne un ensemble de phénomènes physiologiques très complexes qui rendent la fin de course souvent très difficile et altèrent la performance et le chrono final.
- L'épuisement du glycogène : le glycogène est la forme de stockage du glucose (sucre) dans le corps. Quand l'effort est intense et prolongé, il représente le principal carburant musculaire. Au cours d'un marathon, il offre ainsi aux muscles une énergie rapidement disponible et permet au foie de maintenir une glycémie suffisamment élevée. Toutefois, les capacités de stockage et les réserves de glycogène sont limitées (80 à 120 g dans le foie, 300 à 600 g dans le muscle). Après 2h à 2h30 d'effort, en l'absence d'apport de sucres et si le rythme est soutenu depuis le départ, il ne reste plus grand chose au fond du réservoir. Le risque soudain d'un épuisement de celui-ci force l'organisme à l'utilisation des graisses. Le processus de dégradation des graisses est long et donc moins efficace. Le coureur passe d’un carburant musculaire jusque-là composé majoritairement de glucides, à un mélange glucides-lipides (acides gras) moins rentable et qui oblige à réduire la voilure.
- Les douleurs musculaires : elles sont consécutives à la production durant l'effort de cytokines pro-inflammatoires (IL-6) par un muscle en situation de « stress énergétique ». Elles concourent, avec les contractions excentriques de la phase d'amortissement, à l’apparition de DOMS (survenue différée de douleurs musculaires communément nommées courbatures et accompagnées d'une perte momentanée de fonctionnalité du membre concerné).
- La déshydratation et le déséquilibre électrolytique : ces deux phénomènes peuvent générer en course de nombreux désagréments : baisse du volume sanguin, moindre aptitude à réguler la température du corps, réduction de l'apport d'oxygène et de nutriments aux tissus, hausse de la fréquence cardiaque (dérive cardiovasculaire), altération de la foulée, réduction de la production de force, souffrance tendineuse, contractions musculaires soutenues et très douloureuses, céphalées, nausées, maux de ventre.
Un défi physique et une épreuve mentale
L'aspect mental d'une telle épreuve est très important. Au pied du mur, dans l'inconfort et les difficultés physiques, quand l'espoir d'une performance se dissipe peu à peu, certains coureurs peuvent s'effondrer mentalement, céder au découragement et à l'abandon. En outre, ceux qui manquent d'expérience sur la distance, qui ne sont pas suffisamment préparés à supporter la souffrance du dernier tiers de la distance à parcourir, qui se laissent trop aisément déstabiliser par une météo changeante et capricieuse ou par un aléa de course qu'ils n'ont pas pu anticiper, ceux-là cogneront probablement plus douloureusement encore le mur du marathon.
COMMENT PASSER LE MUR DU MARATHON ?
Préparer sa physiologie à l'épreuve
Une préparation spécifique et adaptée s'impose : un programme d'entraînements bien conduit sur plusieurs mois, la recherche de la bonne allure de course au cours de compétitions de distances inférieures comme les semi-marathons, une stratégie d'hydratation et d'alimentation testée et validée au cours des séances limitent le risque d'épuiser rapidement les réserves de glycogène, majorent l'utilisation des graisses à l'effort comme carburant musculaire. Cette stratégie de préparation qui inclut un gain en VMA, évite de foncer tête baissée dans ce fameux mur et d'en subir les effets. Il est important de se rappeler que 2 heures de course représentent déjà un énorme effort musculaire...
Choisir la bonne alimentation pour tenir la distance
L'alimentation est cruciale pour maintenir son énergie et gérer ses ressources physiques. Bien avant le prochain marathon, outre la préparation physique, un plan nutritionnel doit être établi.
- L'optimisation du statut nutritionnel et du fonctionnement de l'intestin : les 3 à 6 mois qui précèdent la course doivent servir à gommer tous les désordres physiques (douleur des tendons, inconfort intestinal, faiblesse hépatique, ...). L'optimisation du contenu de l'assiette ne doit pas se limiter aux dernières semaines qui précèdent le marathon. Il parait essentiel d'adapter chaque jour les apports en énergie et en nutriments (macro et micronutriments) aux exigences des entraînements. L'objectif est de se présenter sur la ligne de départ avec un statut nutritionnel optimal et un intestin en parfaite santé (détox en amont, prise de probiotiques, de glutamine...). Histoire de ne pas se retrouver derrière un buisson, jambes pliées culotte baissée, après quelques kilomètres.
- Un apport régulier de glucides durant l'épreuve et le respect de son allure de course : la prise d'une boisson d'effort, de purées ou de pâtes de fruits, de gels énergétiques retardent l'épuisement des réserves de glycogène. Tous ces produits riches en sucres ou en dérivés du glucose doivent être testés et validés à l'entraînement. L'improvisation le jour de la course et un départ trop rapide peuvent parfois se payer très cher.
Que faire pour la préparation mentale au marathon ?
Un travail de visualisation, des techniques de respiration et de relaxation peuvent aider le coureur à préparer sereinement l'épreuve et à mieux gérer le jour J le stress du départ et certaines pensées parasites qui encombrent le cerveau.
COMMENT NE PAS FRANCHIR LA LIMITE DE MISE EN DANGER ?
L'excès et l'inattention portée aux signes d'alertes de l'organisme peut amener à des situations plus préoccupantes encore que l'expérience du mur. L'hyponamétrie est une conséquence rare et méconnue des marathoniens mais extrêmement préoccupante.
Quels sont les effets de l'hyponamétrie ?
Une hyponatrémie est une chute de la concentration de sodium dans le sang. Elle est susceptible de générer de graves problèmes et de mettre en péril certains organes vitaux.
Qui sont les sujets à risque ?
- Sportifs lents, peu préoccupés par le chronomètre, qui s’arrêtent à tous les ravitaillements pour boire de grandes quantités d’eau plate par crainte d’une déshydratation,
- Coureurs qui transpirent abondamment (↗ pertes d’eau et de sodium),
- Athlètes déjà hyper-hydratés avant l’effort,
- Consommateurs d’AINS,
- Sujets de petite taille (moins de liquide nécessaire à la dilution du sang),
- Athlètes féminines (les œstrogènes pourraient accroître la production d’ADH et ainsi élever chez elles le risque d’hyponatrémie).
Quelles sont les explications de l'hyponamétrie ?
- Ingestion excessive d'eau plate ou de boissons pauvres en sodium au cours du marathon,
- Pertes très élevées (et non compensées) de sodium par la sudation,
- Sécrétion inappropriée de l’hormone antidiurétique (ADH),
- Prise d’AINS...
Quels sont les signes qui alertent ?
- Nausées avec ou sans vomissement(s),
- Céphalées, confusion, étourdissements, léthargie, vertiges, trouble de la conscience, tremblements,
- Faiblesse musculaire, problème de coordination, convulsions, perte de connaissance ou même exceptionnellement coma.
Comment repousser le risque ?
- Limiter la prise de liquide à 400-800 ml/heure d’effort,
- Adapter la température des boissons ingérées (opter pour des boissons fraîches mais non glacées si forte chaleur),
- Consommer une boisson d’effort hypotonique ou isotonique source de glucides et de minéraux (sodium),
- Éviter la prise d’AINS à l’effort (risque d’IR aiguë),
- Être prudent avec les pastilles de sel quelquefois très concentrées en sodium. Elles peuvent provoquer un « choc » osmotique », un appel d’eau dans l’intestin, des diarrhées et in fine, une déshydratation.
Parvenir à éviter le mur représente un vrai défi pour tous les marathoniens. C'est d'ailleurs ce qui fait la particularité de cette épreuve et l'attrait pour cette distance. Ceux qui ont réussi à le franchir sans encombre et à réaliser le chrono espéré sont souvent expérimentés et bien préparés. Ils en ressortent généralement avec un sentiment de plénitude et d'accomplissement, une idée plus précise de leurs aptitudes physiques et mentales, une plus grande maîtrise de leur préparation et de leur gestion de course. Vaste projet!