Quel est l'impact du sexe sur les performances sportives ? En course à pied, les résultats des coureurs et coureuses d'élite diffèrent d'environ 10 à 12% pour les épreuves d'endurance ! Elles varient de 10 à 40% entre les femmes et les hommes pour les sports de force ou qui mobilisent la puissance musculaire.
SPORT : PEU DE DIFFÉRENCES PHYSIOLOGIQUES AVANT L'ÂGE ADULTE
Il existe peu de disparités entre les filles et les garçons avant l'âge de 12-13 ans (taille, poids, corpulence, plis cutanés, os). Les différences de composition corporelle apparaissent au moment de la puberté. À l'âge adulte, la densité corporelle des femmes est généralement inférieure à celle des hommes, leurs épaules plus étroites, leurs hanches plus larges et leur diamètre thoracique plus petit.
UNE MASSE MUSCULAIRE PLUS FAIBLE EN MOYENNE
Leur masse musculaire est également moins importante que celle de leurs homologues masculins (surtout dans la partie haute du corps). Chez la femme, œstrogène et progestérone augmentent la masse grasse, tandis que chez l'homme, la testostérone joue un rôle anabolisant qui favorise le gain musculaire.
La femme stocke davantage de masse grasse (20 à 25% du poids corporel contre 13 à 16% pour les hommes) principalement au niveau des hanches et de la partie inférieure du corps. Toutefois, les femmes spécialistes de course à pied longue distance peuvent faire exception à cette règle et posséder un taux de masse grasse inférieur à 10% de leur poids corporel.
Cette présence supérieure de graisse dans la région sous-ombilicale s'explique par l'activité majorée de la lipoprotéine lipase (LPL), une enzyme produite notamment par les cellules adipeuses et qui favorise le stockage de graisse dans les adipocytes de la région des hanches et des cuisses. En outre, à ce niveau, l'activité lipolytique est souvent plus faible chez la femme.
FORCE, PUISSANCE ET CAPACITÉ DU SPORT AU FÉMININ
- Force développée : les femmes sont généralement moins fortes que les hommes à cause d'une surface de section des fibres musculaires inférieure. Néanmoins, pour une même masse musculaire, la force développée peut se révéler quasi identique à celle des hommes. Elles peuvent enregistrer un gain de force via un programme et des séances de musculation adaptés. Ce gain serait essentiellement dû à une optimisation des facteurs nerveux (augmentation du nombre de fibres musculaires recrutées par un même motoneurone, synchronisation des fibres musculaires recrutées).
- Appareil cardiovasculaire : pour un même niveau d'exercice, le débit cardiaque est semblable à celui des hommes. Le plus faible volume d'éjection systolique (VES) de la femme est compensé par une fréquence cardiaque plus élevée. Avec l'entraînement, elles sont parfaitement capables d'accroître leur débit cardiaque et leur VO2 max. Mais la quantité d'hémoglobine étant inférieure chez la femme, la VO2 max moyenne est de 35-40 ml/mn/kg, contre 45-50 ml/mn/kg pour l'homme.
- Fonction respiratoire : leur débit ventilatoire est inférieur à celui des hommes à cause de poumons plus petits. Une activité sportive régulière permet également de gommer ce déficit.
QU'EST-CE QUI DIFFÉRENCIE LES MÉTABOLISMES FÉMININS ET MASCULINS ?
Au-delà des compétences physiques, des différences génétiques et physiologiques, quelles sont les implications du sport sur les métabolismes de l'homme et de la femme ? Quels impacts sur l'aptitude sportive ?
- Utilisation des glucides à l'effort : une étude1 a montré qu'au terme d'une course de 15,5 km sur tapis roulant, la déplétion du glycogène dans les muscles actifs était plus faible chez les femmes que chez les hommes. Une autre étude en 20022 avec effort prolongé sur bicyclette ergométrique a confirmé ce résultat (meilleure épargne du glycogène chez les femmes que chez les hommes du même âge et du même niveau d'entraînement).
- Utilisation des lipides à l'effort : dans une étude réalisée en 20023, un exercice de 90' sur bicyclette ergométrique à 58% du VO2 max a montré que les triglycérides intramusculaires étaient davantage utilisés chez les femmes lors d'un effort prolongé d'intensité modérée. Cette même étude, en mesurant les différences artérioveineuses en acides gras, l'a confirmé. Les muscles des femmes utilisent 47% en plus d'acides gras. D'autres études ont observé chez des sportives lors d'un effort de 90' à 60% du VO2 max sur bicyclette ergométrique, une hausse de la lipolyse et du taux sanguin de glycérol issu de l'hydrolyse des triglycérides du tissu adipeux.
- Utilisation des protéines à l'effort : en 19901, une étude a constaté une hausse des concentrations urinaires d'azote seulement chez les hommes durant les 24h consécutives à un exercice d'endurance. Ce résultat a été confirmé par deux autres études en 19934 et 20005 avec la mesure de la balance azotée et du taux d'oxydation de la leucine. La femme sportive utilise moins la leucine que les hommes comme substrat énergétique durant un exercice de pédalage de 90' à 65% du VO2 max après un programme d'entraînement en endurance de 31 jours. Au terme de ces 31 jours, les chercheurs ont noté une disparition chez les femmes d'une différence d'oxydation de la leucine entre la phase de repos et celle d'activité. Par conséquent, au cours d'exercices de longue durée, les femmes sportives paraissent moins oxyder les acides aminés que les hommes et ainsi davantage épargner leur tissu musculaire (moins de "casse" musculaire).
SUJETS | GLUCOSE (%) | LIPIDES (%) | PROTÉINES (%) |
103 sportives | 55 +/- 10 | 43 +/- 9 | 2 +/- 2 |
104 sportifs | 65 +/- 9 | 29 +/- 8 | 6 +/- 3 |
Contribution des différents substrats énergétiques à la synthèse d'ATP lors d'un exercice de longue durée chez l'homme et chez la femme (méta-analyse de la littérature proposée en 2000 par Mark Tarnpolsky).
En outre, au cours d'efforts brefs et intenses, eu égard à une activité inférieure des enzymes glycolytiques, les femmes oxyderaient moins de glycose que les hommes. Cette particularité leur permettrait de limiter la production intramusculaire de lactate et de jouir d'une plus grande résistance à la fatigue6.
UNE THERMORÉGULATION EFFICACE À L'EFFORT
Une étude en 20017 a montré que durant l'exercice, la femme transpire moins que l'homme à température ambiante identique. Ceci s'explique par un plus faible ratio masse corporelle/surface corporelle, davantage de graisses sous-cutanées, un débit sudoral inférieur et un seuil de sudation souvent plus élevé. Toutefois, en dépit de ces particularités du métabolisme hydrique, la femme sportive est capable de maintenir efficacement sa température corporelle grâce à une meilleure évaporation de sa sueur.
De plus, les femmes possèdent les mêmes capacités que les hommes à s'adapter à la chaleur (délai de vasodilatation raccourci, seuil de sudation abaissé, hausse du débit sudoral). Elles semblent mieux protégées du froid grâce à un tissu adipeux sous-cutané plus important. En revanche, elles produisent moins de chaleur en ambiance froide à cause d'une masse musculaire généralement plus faible que celle des hommes.
Enfin, malgré une réduction du VO2 max lors d'exercices réalisés en hypoxie, les femmes sont parfaitement capables d'efforts en haute altitude.
SUJETS | SUEUR ÉVAPORÉE | SUEUR RUISSELANTE |
Femmes | 58,7% de la perte sudorale totale | 21,2% de la perte sudorale totale |
Hommes | 52% de la perte sudorale totale | 34,1% de la perte sudorale totale |
UNE RÉCUPÉRATION DU CORPS POST-EFFORT TRÈS SATISFAISANTE
- Réplétion du glycogène après l'exercice : il n'apparaît pas de différence significative entre les hommes et les femmes dès lors que les apports glucidiques sont adaptés et délivrés dans le bon "timing" (respect de la fenêtre métabolique). Toutefois, leur plus faible masse musculaire limite le restockage.
- Réparation du tissu musculaire : pas de différence significative entre les hommes et les femmes dès lors que les apports en protéines sont adaptés et délivrés dans la "fenêtre protéique".
- Récupération des dommages musculaires : plusieurs études ont montré chez la femme une moindre hausse dans le sang de la créatine kinase (CK) après des exercices en aérobie. La perte de force intervient chez les deux sexes au terme de 50 à 70 contractions excentriques maximales. Toutefois, cette perte s'estompe plus rapidement chez la femme qui semble bénéficier d'une meilleure récupération fonctionnelle du tissu musculaire6.
IMPACT DES RÈGLES SUR LA PERFORMANCE ATHLÉTIQUE
Le peu d'études sur le sujet ne permet pas de montrer clairement l'impact des règles sur les performances de la femme sportive. Quelques travaux conduits chez des nageuses ont révélé des résultats discordants : amélioration des performances pendant les règles ou durant la phase qui suivait celles-ci, légère amélioration des performances juste avant les règles. Pour beaucoup de femmes sportives, les performances ne sont pas vraiment altérées par l'arrivée des règles hormis pour celles qui souffrent du syndrome prémenstruel.
QUAND LA PRATIQUE DÉRÈGLE LE CYCLE
Selon les disciplines et le niveau de pratique, certaines sportives peuvent malheureusement souffrir d'oligoménorrhée (règles peu fréquentes) ou d'aménorrhée secondaire (disparition des règles). L'aménorrhée secondaire apparaît souvent chez des sportives de poids faible, au sein de disciplines qui exigent parfois des spécificités de morphologie et où la minceur constitue fréquemment un critère de performance et de sélection (danse classique, gymnastique, patinage artistique, course à pied longue distance, cyclisme, triathlon, escalade...). En outre, les sportives perçoivent l'arrêt des règles comme un soulagement et un confort dans leur pratique sportive.
Le stress de la compétition, le volume et l'intensité excessifs de l'entraînement, l'insuffisance des apports énergétiques jouent un rôle majeur dans l'apparition des troubles du cycle menstruel.
QUAND LA FEMME ENCEINTE FAIT DU SPORT
Les efforts physiques et le programme doivent être adaptés durant la grossesse afin de limiter certains risques.
- Hypoxie du foetus par réduction du flux sanguin dans l'utérus : le sang est dérivé aux muscles actifs de la mère.
- Hyperthermie foetale liée à l'élévation de la température corporelle de la mère : éviter les exercices prolongés effectués en ambiance chaude.
- Réduction de la disponibilité des glucides pour le foetus : hausse de l'utilisation des glucides par la mère durant l'effort.
- Fausse-couche, avortement, accouchement prématuré ou d'éventuels alés durant celui-ci.
LES MODIFICATIONS DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE
Ils sont moins rares qu'on ne le croit et concernent les compétiteurs comme les compétitrices, en particulier dans les sports nécessitant des catégories de poids (judo, boxe, ...). Cependant, les femmes y seraient plus sujettes.
L'anorexie : à l'origine de troubles importants
L'anorexie des sportifs dont la prévalence est plus élevée dans les disciplines d'endurance, les sports à catégories de poids et ceux où l'image du corps est un élément essentiel se caractérise par les signes suivants :
- Crainte permanente de prendre du poids ou de la graisse alors même que le poids est déjà inférieur d'au moins 5% de la norme pour des femmes de même âge et de même taille.
- Perte de poids obtenue par une réduction d'apport calorique ou par le suivi d'un entraînement intense et prolongé.
- Présence régulière d'épisodes de boulimie suivis de vomissements volontaires et/ou d'une prise de laxatifs/diurétiques.
Un régime excessif couplé à un entraînement intense produit un amaigrissement et une perte de masse grasse importants (jusqu'à moins 10% du poids corporel pour les marathoniennes) avec de lourdes conséquences physiologiques dont pour la femme :
- Perturbation des sécrétions hypothalamo-hypophysaires responsables du cycle ovarien,
- Apparition d'une aménorrhée secondaire,
- Réduction de l'absorption intestinale et de la rétention osseuse du calcium,
- Déficit de minéralisation et fragilisation osseuse.
La triade de l'athlète, un trouble encore à l'étude
Ce trouble qui associe 3 signes majeurs (désordres alimentaires ou anorexie sportive, aménorrhée secondaire, déminéralisation) mène à une perte importante de densité minérale osseuse et au risque d'ostéoporose. La prise d'hormones ovariennes, le retour d'une nutrition adaptée et la réalisation d'exercices spécifiques ne suffisent pas quelquefois à retrouver le squelette d'une femme de son âge (réversibilité difficile après 40 ans).
Une baisse de la charge d'entraînement de 10 à 20% associée à une hausse progressive et une adaptation des apports nutritionnels (pour un gain de poids de 2 à 3%) ainsi qu'à une stabilisation des apports en calcium à 1500 mg/jour est l'approche comportementale non pharmacologique pour traiter l'aménorrhée sportive proposée par The Journal of the International Society of Sports Nutrition (1996).
1 Gender differences in substrate for endurance exercise, Tarponolsky et coll., J Appl. Physiol., 1990.
2 Gender differences in glucose kinetics and substrate oxidation during exercise near the lactate threshold, Ruby et coll., J Appl. Physiol., 2002.
3 Gender differences in substrate utilization during submaximal exercise in endurance-trained subjects, Roepstroff C et coll., Am J Appl. Physiol Endocrinol Metab., 2002.
4 Gender differences in leucine kinetics and nitrogen balance in endurance athletes, Philips SM et coll., J Appl. Physiol., 1993.
5 Endurance exercise attenuates leucine oxidation and BCOAD activation during exercise in humans, McKenzie S. et coll., Am J Appl. Physiol. Endocrinol. Metab., 2000.
6 La récupération de la femme sportive, Le Meur Y., Hausswirth C., INSEP, 2013.
7 Gender differences in thermoregulation, Kaciuba-Uscilko H. et coll., Curr Opin Clin Nutr Metab Care, 2001.