Découvrez les potentiels énergétiques de ces « centrales » électriques et énergétiques chargées de produire, conserver et distribuer l'énergie aux cellules. Elles assument également de nombreuses autres fonctions vitales. Elles constituent un acteur métabolique très important chez le sportif.
QU'EST-CE QU'UNE MITOCHONDRIE ?
Une mitochondrie est un organite cellulaire transmis exclusivement par la mère et qui se situe dans le cytoplasme des cellules. La théorie endosymbiotique est souvent citée afin d’expliquer leur apparition. Elles seraient nées il y a des milliards d’années, de l’infection d’une cellule eucaryote primitive par des bactéries capables ensuite de contribuer au métabolisme de l’hôte. L'origine des mitochondries serait donc, à priori... bactérienne.
QUELLE EST LA STRUCTURE DE LA MITOCHONDRIE ?
À l’exception des globules rouges, toutes nos cellules contiennent des mitochondries (1500 en moyenne/cellule à l'âge adulte). Néanmoins, elles sont plus nombreuses au sein des tissus qui consomment beaucoup d’énergie (forte présence de mitochondries dans le muscle strié squelettique, le cerveau, le foie…). Elles possèdent leur propre génome nucléaire, des ribosomes (lieu de production des protéines), deux membranes (externe et interne) séparées par un espace et une matrice théâtre des réactions d'oxydation du pyruvate, des acides gras, des corps cétoniques, du cycle de Krebs.
QUELLES SONT LES PRINCIPALES FONCTIONS DES MITOCHONDRIES ?
Les mitochondries exercent dans l’organisme plusieurs rôles essentiels.
Fabrique naturelle de l'ATP
L'ATP est une molécule utilisée chez tous les organismes vivants pour fournir de l'énergie aux réactions métaboliques. La fabrication d'ATP (adénosine triphosphate) repose sur un processus complexe appelé phosphorylation oxydative. Cette machinerie métabolique transforme l'énergie des nutriments en molécules d'ATP grâce à une chaîne de réactions enzymatiques à laquelle est associée également la coenzyme Q10 .
Le glucose entre d'abord dans un cycle appelé glycolyse, générant du pyruvate. Ce dernier pénètre ensuite dans la matrice où le cycle de Krebs le convertit en composés riches en électrons. Ces électrons alimentent une cascade de réactions le long des crêtes, créant un gradient de protons.
L'ATP synthase utilise ce gradient comme une mini-turbine moléculaire. À chaque rotation, elle assemble ADP et phosphate pour former une nouvelle molécule d'ATP. Une seule molécule de glucose peut ainsi générer jusqu'à 36 ATP, permettant aux muscles de maintenir leur activité pendant l'effort.
Elle est aussi le site des premières étapes de la néoglucogénèse (voie métabolique de production de glucose à partir de substrats non glucidiques).
Gestion de la production de chaleur...
La thermogenèse est la production de chaleur par l'organisme en vue de maintenir une température corporelle stable et réguler le métabolisme énergétique. Lorsqu'il s'agit de trouver de l'énergie sans utiliser la chaîne respiratoire, les mitochondries se servent d'une autre source énergétique obtenue par l'oxydation des acides gras grâce à une intervention de la protéine découplante UCP1.
Et une infinité d'autres fonctions...
- Régulation de l'apoptose cellulaire (mort cellulaire naturelle et programmée),
- Synthèse de cholestérol et d'hormones (testostérone, œstrogènes, progestérone, aldostérone, cortisol),
- Régulation du flux calcique au sein des cellules via des échanges de calcium avec le réticulum endoplasmique à travers des récepteurs spécifiques situés sur leurs membranes respectives.
Des réseaux de mitochondries malléables
Les mitochondries sont très mobiles et sont capables de former un gigantesque réseau (réseau mitochondrial tubulaire) ou un ensemble de mitochondries individuelles (réseau fragmenté). Cette organisation dépend beaucoup des besoins de la cellule (production d’ATP, lutte contre les radicaux libres et les formes réactives de l'oxygène...). Afin de répondre à ceux-ci, les mitochondries peuvent fusionner ou fissionner.
QUEL EST LE RÔLE DES MITOCHONDRIES DANS LE SPORT ?
Au-delà de leur rôle énergétique, les mitochondries régulent la réponse immunitaire de l'organisme et participent activement à la protection des cellules. Leur action sur le métabolisme du calcium s'avère déterminante pour la contraction musculaire et la transmission des signaux nerveux.
Ces centrales microscopiques orchestrent également la combustion des graisses lors des efforts prolongés, un atout majeur pour les sports d'endurance. Leur capacité à recycler les protéines endommagées permet une meilleure récupération après l'entraînement.
Dans le cerveau, les mitochondries contribuent à la production de neurotransmetteurs essentiels pour la concentration et la motivation. Un exemple parlant : lors d'un marathon, leur bon fonctionnement aide à maintenir la lucidité malgré la fatigue.
Des organites néanmoins très vulnérables
Selon Martin Picard, professeur agrégé de médecine comportementale en psychiatrie/neurologie à Columbia Université Irving Medical Center, les facteurs environnements (toxiques, hormones de stress…) susceptibles d’agir sur l’expression de nos gènes passent au préalable par le réseau mitochondrial positionné autour du noyau cellulaire. Il émet donc l’hypothèse que les mitochondries pourraient jouer le rôle de filtre protecteur de notre matériel génétique. Par conséquent, une atteinte à l’intégrité et au fonctionnement des mitochondries par des facteurs environnementaux deviendrait une menace pour notre génome et pour notre état de santé (6).
Les mitochondries sont à la fois une source et une cible des radicaux libres. La production d’ATP s’accompagne d’une production de radicaux libres (O2–•) et d’espèces réactives de l’oxygène (H2O2) au sein des complexes I et III de l'usine de la respiration mitochondriale. Pour les mitochondries, l’oxygène moléculaire (O 2) nécessaire à la vie en aérobie et à la transformation en énergie des aliments consommés est donc à la fois un ange et un démon.
DU STRESS MODÉRÉ POUR DES MITOCHONDRIES EN PLEINE SANTÉ !
Le terme hormèse fait référence à un phénomène biologique où une exposition à des stress de faible intensité peut induire des réponses bénéfiques dans l’organisme. Le concept de mitohormèse consiste à exposer régulièrement les mitochondries à des facteurs de stress modéré afin de les inciter à développer des processus d’adaptation biologique bénéfiques :
- Le jeûne, la "restriction" calorique et le régime cétogène (1) : le point commun entre le jeûne et le régime cétogène est la production de corps cétoniques (acétoacétate, bêta-hydroxybutyrate, acétone) dans les mitochondries des cellules du foie. Il s'agit de petites molécules issues de l’oxydation des acides gras (tissu adipeux et aliments) qui diffusent aisément dans le sang et dans les tissus périphériques (lipides hydrosolubles). Utilisés notamment par les reins, les muscles, le cœur et le cerveau, ils constituent un carburant de secours en cas de jeûne, de restriction alimentaire, de déficit ou de privation glucidique. Le bêta-hydroxybutyrate participerait au contrôle de la qualité du pool mitochondrial en encourageant la mitophagie (élimination naturelle de mitochondries vieilles et/ou défectueuses) et la biogenèse mitochondriale (formation de nouvelles mitochondries).
- L'activité sportive (2) : les exercices à haute intensité, l'endurance prolongée et le travail de la force favoriseraient également la biogenèse et l'activité mitochondriales.
- L’exposition régulière au froid (3) (douche froide, nage en eau froide, bain froid, cryothérapie…), aurait des effets bénéfiques. Il encouragerait la biogenèse/respiration mitochondriales et l’oxydation des acides gras dans le muscle strié squelettique et dans le tissu adipeux brun.
- L'exposition au chaud (4) : des études animales et in vitro suggèrent que des expositions répétées des muscles striés squelettiques à un stress thermique léger (≈ 40 °C) peuvent induire dans ceux-ci des adaptations mitochondriales positives et comparables à celles observées lors de l'activité sportive
- L’apnée, les séjours en altitude, des exercices et des techniques de respiration (5) (comme la méthode Wim Hof) pourraient mener à des changements physiologiques profitables (hausse de la production de globules rouges, angiogenèse, renforcement de la protection antioxydante…), via la production d’une quantité modérée de radicaux libres et d'espèces réactives de l'oxygène dans les mitochondries.
COMMENT LES SPORTIFS PEUVENT-ILS SOUTENIR LEURS MITOCHONDRIES ?
Plusieurs objectifs peuvent être poursuivis afin de soutenir efficacement la bonne santé et le fonctionnement des mitochondries :
- Protéger/renforcer les protéines/enzymes des complexes protéiques de la chaine respiratoire et les acides gras des crêtes mitochondriales,
- Conforter la protection antioxydante globale,
- Optimiser la production d’énergie (ATP),
- Soutenir la biogenèse mitochondriale,
- Autoriser la mitophagie des mitochondries endommagées et/ou vieillissantes.
Pour cela, plusieurs actions peuvent être menées :
- Introduire régulièrement de la couleur dans l’assiette pour l'apport d'antioxydants (polyphénols, caroténoïdes...) : chou rouge, potiron, butternut, carotte, betterave, oignon rouge, brocoli, avocat, myrtilles, kiwi, orange, framboises, épices (curcuma, paprika).
- Augmenter la densité nutritionnelle de la ration (alimentation de type méditerranéenne avec des fruits et des légumes, des aliments complets, des légumineuses, des graines oléagineuses, de l'huile d'olive...).
- Eviter l’apport excessif et inutile de calories.
- Favoriser le vin rouge si consommation de boisson alcoolisée (apport du polyphénol resvératrol) (7).
- Adapter l'activité physique et varier les entraînements (efforts en endurance, exercices courts et intenses, renforcement musculaire).
- Conserver si possible un état d’esprit positif, entretenir des rêves, des passions et des interactions sociales de bonne qualité.
- Profiter de jeûnes courts (10 à 16h). Possibilité de tester un petit déjeuner sans glucide (œufs, fromage, jambon, sardines, volaille, avocat, amandes, noix, thé vert…).
- Terminer les douches par un jet d’eau froide (15 secondes à 1 minute sur les jambes, bras, corps entier).
- Songer à la pratique de techniques de respiration, du yoga, du sauna, de la cohérence cardiaque.
Les mitochondries sont les "poumons énergétiques" de notre organisme. Aucune performance sportive n'est envisageable sans une bonne santé de celles-ci. Leur exposition régulière et excessive à des agents stressants altère peu à peu leur intégrité et menace leur activité.
Par conséquent, pour beaucoup de sportifs surentraînés et engagés désormais dans des compétitions de plus en plus exigeantes (ultratrails, marathon des sables, marathon en milieu polaire...) aux contraintes parfois délirantes (dénivelé important, très longue distance à parcourir, conditions environnementales et météorologiques très difficiles..), conserver des mitochondries en bonne santé constitue réellement un défi majeur. Du stress oui, mais pas trop !
(1) Effect of the Ketone Body, D-β-Hydroxybutyrate, on Sirtuin2-Mediated Regulation of Mitochondrial Quality Control and the Autophagy–Lysosomal Pathway, Cells, JC Gὀmora-Garcia et al., 2;12(3):486, 2023.(2) Couplage excitation-transcription – L’explication des effets de l’entraînement sur la biogenèse mitochondriale?, M. Lambert, 2022.
(2) Impacts of altered exercise volume, intensity, and duration on the activation of AMPK and CaMKII and increases in PGC-1α mRNA, Seminars in cell & Developmental biology, Brendon J. Gurd et al., Elsevier, 2023,
(2) Andrew Usher et al., Impact of sprint interval training on post-fatigue mitochondrial rate in professional boxers, Eur J Appl Physiol, 125(1):261-271, 2025.
(2) Javier Botella et al., Increased mitochondrial surface area and cristae density in the skeletal muscle of strength athletes, The Journal of Physiology, 2023
(3) Denis P. Blondin et al., Dietary fatty acid metabolism of brown adipose tissue in cold-acclimated men, Nat Commun., 2017 Jan 30:8:14146
(4) Repeated exposure to heat stress induces mitochondrial adaptation in human skeletal muscle, Paul S Hafen et al., J Appl Physiol, 1;125(5):1447-1455, 2018.
(5) Hypoxie et fonction mitochondriale, L. Dupic et al., Elsevier Masson, 2010.
(6) Mitochondrial Function, Biology, and Role in Disease: A Scientific Statement From the American Heart Association, E. Murphy et al., Circ Res., 10;118(12):1960-91, 2016.
(7) SIRT1 Is Required for AMPK Activation and the Beneficial Effects of Resveratrol on Mitochondrial Function, Nathan L Price et al., Cell metabolism, Vol. 15 Issue 5, pages 675-690, 2012.
(8) Mitochondrial effects of Ginkgo biloba extract, Anne Eckert, International Psychogeriatrics,, 2012, vol. 24, suppl. 1, pages S18-S20.